Journal

15/06/2014 - Photos

Yes We Camp (chez Albert)

par Hélène Bienvenu, DIY Manifesto

À Aubervilliers, une friche reprend vie en mode DIY


Aubervilliers, Quatre Chemins : une tour de Babel urbaine. Dans cette commune ouvrière du Nord de Paris, concentrant 70 nationalités et 42 % de logements sociaux, les friches se font plus nombreuses que les espaces verts. C’est jutement ici que le collectif Yes We Camp, en association avec La Semeuse des Laboratoires d’Aubervilliers, a décidé de planter ses palettes en mai dernier.

Né à l’occasion de Marseille capitale de la Culture, Yes We Camp s’est fait connaître par l’implantation d’un camping participatif expérimental au bord de l’Estaque en 2013. Cette nouvelle manière d’occuper l’espace urbain a fédéré une équipe qui intervient ponctuellement sur la place publique pour créer des moments de convivialité.

À Aubervilliers, les membres de Yes We Camp ont aménagé la friche du 52 rue de l’Ecuyer, Chez Albert, un espace habituellement fermé au public même s'il relie deux rues entre elles. « Nous voulons justement instaurer un passage dans le quartier. A terme, ici, il devrait y avoir de nouveaux logements, irrigués par un passage » précise Lisa de Yes We Camp.

Pendant 10 semaines, les résidents de Quatre Chemins s’aproprient les tables à pique-nique, les chaises longues, le coin barbecue, un préau ouvragé, une cabane en bois, un jardin urbain ou encore la marelle mis à disposition. Comme en ce vendredi, à l’heure de l’apéro où un groupe de jeunes s’est posé pour faire prendre l’air à sa sono. « On se sent chez nous ici. Avant on avait aucun endroit pour se rassembler, la déco est top, et on dérange personne » confie un jeune du quartier, bière à la main « d’ailleurs, on n'est pas les seuls à venir, y’a pas mal de monde qui passe pour rejoindre l’autre côté. Mais c’est vrai que pour les enfants, c’est pas idéal, y’a des bouts de verre… »
Le soleil de plomb de ces derniers jours a bien du mal à faire s’évaporer la petite mare estivale, résultat des intempéries de juin… Il en faudrait plus pour échauder les artistes des Laboratoires qui viennent régulièrement se produire ici et les Albertivillariens à qui le site est dédié. Plusieurs associations se sont déjà inscrites au programme comme Cyclofficines Pantin pour animer un atelier vélo.
Ingrid Amaro, de la Semeuse - qui organise des balades urbaines, façon guérilla gardening au sein des Laboratoires – verrait bien Chez Albert érigé au rang de projet pilote « nous avons négocié avec la municipalité d’opérer sur la friche. Nous voulons partager les savoirs et savoir-faire. Il ne faut pas être utopiste, c’est difficile de mobiliser les gens pour jardiner mais s’asseoir et lire son journal, c’est déjà s’investir ».
Les habitants sont conviés pour le thé tous les jours à 17h et régulièrement à un méchouis ou un pique-nique. Le mercredi, diverses activités sont proposées aux enfants. Les grilles, elles, ferment à 20h « on a privilégié le concept de square : un lieu ouvert en journée, où les gens se retrouvent » commente Lisa « beaucoup de communautés cohabitent sans vraiment interagir, ce genre de dynamiques met des années à se construire, on n’est que le début d’une longue chaîne ».

Pour Lisa, la friche n’est pas forcément synonyme de désolation « c’est un espace interstitiel de liberté où la nature reprend ses droits ». Comme Chez Albert, où la jungle a même commencé à faire son apparition…